Samedi 18 Décembre 1996 ; 17h54.Cher journal, j'ai sept ans aujourd'hui, Maman m'a offert un journal intime, qui s'avère être toi. Je me suis donc dépêchée de t'écrire dedans. Pour commencer je vais te raconter un peu ma vie avant toi. Je m'appelle Sara-Lynn Mulligan et je suis née à New York un 14 février, enfin ça, c'est Maman qui le dit parce que bizarrement je m'en souviens pas. Maman m'a raconté le jour de ma naissance : elle était couchée dans son lit, le matin, regardant la télé et admirant son GROS ventre rond. Papa devait partir au travail, il l'embrassa une dernière fois sur le front et l'abandonna. Ma naissance était prévue pour encore deux mois. Mais le destin en décida autrement, Maman alla à la boulangerie, prendre du pain et là, choisissant le pire moment, je décidais de donner mon avis et de sortir enfin du noir pour montrer ma jolie bouille d'ange. Donc évidemment, toute une suite d'ambulance arriva et une heure plus tard ma mère se retrouva dans une salle de la clinique, à souffrir et agoniser, pendant je prenais tout mon temps. Cruel, Cruel, je sais... Maman a choisi de m'appeler Sara parce que c’était le prénom d’une grande tante à elle, que je n’ai jamais vu. C’est joli Sara. Papa voulait m’appeler Lynn, mais comme souvent c’est maman qui a gagné. Mais bon, Lynn c'est mon deuxième prénom !
Bon, Maman vient de m'appeler pour manger une bonne grosse part de gâteau au chocolat, j'essaierai de t'en garder une part, mais je ne sais pas si je vais réussir à me retenir. Bisou Bisou !
Mardi 21 Décembre 1996 ; 13h18.
Cher journal, j'ai oublié l'autre jour de te dire que j'avais une petite sœur et deux frères. C’est marrant parce qu’avec un de mes frères on a le même âge, mais on n’est pas né le même jour. Maman dit qu’il a été adopté, mais pour moi c’est quand même mon frère. C'est cool d'avoir au moins une petite soeur, avec elle je peux jouer aux barbies et tout. Parce que Maxime et mon autre frère, ils n'aiment pas les barbies. Eux c'est les voitures. Juste les voitures. Ils veulent même pas jouer Ken. Enfin, ça n'empêche rien. Je les aime quand même mes frères. Ils sont embêtants, parfois, souvent même. Mais c'est mes frères. On partage tout ensemble. A part mes barbies. C'est les miennes et je veux pas qu'ils y touchent. La dernière fois que Maxime en a pris une il lui a coupé les cheveux. Et les cheveux d'une barbie, ça repousse pas ! Mais bon, lui, il ne veut pas que je touche à ces voitures. Mais faudra bien que je me venge de ce qu'il a fait subir à ma barbie. Ma préférée en plus ! J'ai déjà un plan d'ailleurs. J'attendrais le bon moment, quand papa et maman seront loin et que notre petite soeur et notre petit frère dormiront. Parce que je veux pas que tout me retombe dessus !
Bon je te laisse cher journal, je vais organiser ma vengeance. Bisous
Parle à ma tête, mon cœur est malade.
(c) psychozee
Jeudi 21 Mars 2007 ; 22h30
Cher journal, Hier, on m'a appris que je devais aller voir un psychologue, en fait on m'a surtout fait comprendre que la semaine prochaine j'avais un rendez-vous chez un psychologue et que j'étais obligée de m'y présenter, j'en ai pas envie, pas du tout. Je ne suis pas folle, il y a que les fous qui ont besoin d'un psy, moi je ne suis pas folle, pas folle du tout alors pourquoi j'aurais besoin de consulter un psy, je ne comprends pas du tout. D'après ma très chère mère c'est pour m'aider à surmonter ma peine, la peine que je garde à l'intérieur de moi. Selon elle, une jeune fille devrait pleurer lorsqu'elle perd son audition. Normal me diras tu ? ! Mais a quoi bon pleurer devant quelqu'un qui est incapable de vous consoler ? Je laisserai couler les larmes lorsqu'elle décidera de me laisser enfin seule. Ne t'en fais pas, j'ai tout de même du mal à contenir ma peine. Nuit & Jour je souffre, parfois en silence. Si je n’avais pas été là, au mauvais endroit au mauvais moment comme on dit, je n’aurais pas perdue l’ouïe. J’essaie de relativiser, de me dire qu’il valait sans doute mieux perdre l’ouïe que perdre la vie. Mais c’est bien plus dur que ce que je ne pensais. Maxime, Ashleigh, Lucas ils sont tous les trois là pour moi. Cela dit voir a quel point ils dépriment à cause de ce qui m’arrive me rend malade, et puis notre entourage qui leur demandent sans arrêt comment je vais, ça doit les énerver plus qu'autre chose. J’ai simplement envie que tout ça s’arrête. Qu’on les laisse tranquille, qu’on nous laisse tranquille. Il n’y a que devant eux que je n’ai pas honte de pleurer. Pour les autres, c’est simple je suis responsable de ce qui m’arrive. Enfin, ce n’est quand même pas de ma faute si une fusillade a éclaté juste au moment où je passais dans cette rue. J'ai beau essayer de me montrer forte, c'est dur. Très dur. Cela dit, je ferais n'importe quoi pour qu’ils aillent mieux. Je n’ai pas envie qu’ils se croient responsable de ce qu’il m’arrive. Parce qu’au fond, je sais ce qu’ils se disent. Si ils avaient été là, ils auraient pu me protéger. Mais c’est faux. J’espère aussi que Max n’a pas mis cet accident sur le compte des dettes qu’il avait et qui ont failli couter la vie à Cassily sa petite amie.
Jeudi 28 Mars 2007 ; 18h28Cher Journal, j'arrive tout juste de chez le psy, je dois encore y aller une fois par semaine. Pendant un moment. Le temps que j'arrive à « extérioriser mes sentiments ». Comme le dit si bien le docteur Johnson. Franchement je préfère encore pleurer devant ce psy que devant mes parents ou même devant Max. Au moins lui il arrive à trouver les mots pour m'aider à surmonter ma peine, je ne dis pas que Maxime ne le fait pas, c'est juste que j'ai pas envie qu'il me console, il a déjà suffisamment de soucis à gérer. Quant à moi, j’ai beaucoup de mal à l’aider. Il parait que raconter, aide à surmonter. Seulement voilà, raconter ce n'est pas le plus simple. C’est même très dur. A chaque fois qu'on me parle de raconter ce qu'il s'est passé, je repense à Max, à Lucas, à Ashleigh et aux larmes coulant sur leurs joues. Mais le Dr Johnson a réussi à me convaincre, difficilement certes, mais il a réussi. Alors, je lui ai expliqué, cette après midi shopping où j’étais partie chercher le cadeau d’Ashleigh. Max et Lucas étaient censés venir avec moi mais l’un voyait sa copine et l’autre avait un match de tennis, du coup j’étais partie seule. J’étais passée par une rue où en général je ne passais jamais seule. Le plus souvent c’était avec Max, puisqu’il avait l’habitude de trainer dans ces quartiers là. Je savais pertinemment que c’était dangereux de passer là, toute seule, mais cette rue constituait aussi un raccourci. Rapidement, le docteur Johnson en a conclu que je me sentais coupable de ce qui s'était passé. Et au fond, il avait certainement raison. Si j’avais pris le chemin habituel, j’entendrais encore aujourd’hui.
Le temps file, le temps n’attend personne. Le temps guérit toutes les blessures. Tous autant que nous sommes nous voulons plus de temps. Du temps pour se relever, du temps pour grandir, du temps pour lâcher prise. Du temps.
Vendredi 15 Octobre 2009 ; 17h17Cher journal, j'ai l'impression que rien ne change, que rien n'avance. Cela fait deux ans maintenant que la fusillade a eu lieu. J’arrive a peut près à suivre une conversation grâce à mes appareils. D’après les médecins j’avais eu de la chance de ne pas perdre l’intégralité de mon ouïe. Enfin, entre ce que j’entends sans mes appareils et quelqu’un de totalement sourd, je ne vois pas la différence. Max est toujours là pour moi, comme si il voulait se faire pardonner quelque chose, mais si c’était réellement le cas, il devrait plutôt retrouver Cassily. On dit que le temps guérit toutes les blessures, j'ai l'impression que pour lui, il faudra plus que ça. Beaucoup plus. En attendant, moi je n’ai pas envie de rester les bras croisés, il faut que j’avance.
Vendredi 25 Novembre 2009 ; 13h18Cher journal, j’ai aujourd’hui rendez vous à Auckland pour un boulot. Je pense que si je décroche ce job d’assistante d’organisateur de mariage je vais m’installer là bas. Je sais que la séparation risque d’être un peu dure, surtout avec Max, mais j’espère vraiment qu’il ne m’en voudra pas. Et puis NY, Auckland. Ce n’est pas bien loin. J’ai réellement besoin de changer d’air. Pas que la présence de Max ou d’Ashleigh et Lucas m’étouffe mais il est temps que j’apprenne à vivre seule et avec mon handicap, même si au fond, avec les appareils ce n’est plus vraiment un handicap.
Lundi 5 Décembre 2009 ; 18h19Cher journal, j’ai eu le boulot dont je t’ai parlé l’autre fois. Je suis tellement contente. Pour une fois que ma faible audition ne joue pas contre moi. C’est décidé je m’installe à Auckland. J’ai déjà repéré un immeuble avec des appartements de libre. Je songe à en prendre un grand, histoire que si Max, Ashleigh ou Lucas veulent venir, ils peuvent !
J'ai la rage de vaincre, de réussir...
Lundi 3 Janvier 2011; 02h21Cher journal, nous voilà aujourd'hui à ta dernière page et j'ai décidé de ne jamais te remplacer, c'est pour sa que maintenant je n'écrirais plus ma vie mais je la vivrais. Aujourd'hui en te refermant, j'ai l'impression que c'est une page de ma vie qui se tourne. Ne t'en fais pas, je te garderais toujours près de moi. Au revoir cher journal, l'histoire de ma vie c'est toi!